Charmante sauvageonne et stoïque buveur de sang [PV Siam <3]

La vieille avenue. Joshua la connaissait dans les moindres détails, même une fois la nuit tombée. Après presque un siècle à la parcourir de long en large, c'était tout naturel pour lui d'étudier jusqu'au moindre changement. Les changements avaient été nombreux, au fil des années. Prendre le temps de regarder les choses évoluer était pour lui un nouveau passe temps. Puis, l'état d'un rue s'avérait être bien plus passionnant que l'inéluctable succession de morts et de naissances qui avaient lieu. La vie l'avait laissé de marbre quatre vingt ans plus tôt. Il n'avait plus grand chose à perdre.

Les seuls bruits qui lui parvinrent étaient ceux de la taverne, animée ce soir là. Peut-être qu'une oreille attentive aurait pu distinguer la voix féminine tellement plus sexy quand elle était bourrée de Lud, et le ton successivement gueulard ou exaspéré du serveur en chef, le plus grognon de tous. Une soirée comme les autres, somme toute. D'ordinaire, Joshua se donnait la peine de se rendre aà la taverne. C'était l'un des endroits où il récoltait le plus d'informations. Bien que nombreuses étaient les personnes qui le connaissait ainsi que sa nature, il avait su apprendre à se faire discret. Normal. Un bon informateur savait être discret, ce n'était pas nouveau.

Il poussa un bref soupir, avant de s'asseoir sur un banc, à côté d'une échoppe. Il ferma les yeux un instant, se remémorant l'activité du marché, à son époque. Il en vint à une conclusion, la même, encore et toujours.

Les changements étaient infimes.

Or, dans n'importe qu'elle société, l'évolution au fil des siècles était prédominante. Il avait lu suffisamment de livres d'histoires pour le savoir. Alors quoi? Pourquoi Cave Cadas restait-elle la même, loin de tout progrès technologique ou social? Qui était l'auteur de cette lugubre et monstrueuse machination? Il n'en savait rien, même après des années et des années de recherches, il n'en savait rien.

Nouveau soupir.

Il se laissa aller la tête en arrière et contempla les étoiles, discrètes. Et la Lune, beaucoup moins. Bientôt, elle serait Pleine. Ce serait alors de nouveaux problèmes à gérer.

Ce soir là, Joshua Jonhson n'était pas le seul à être quelque peu mélancolique. Croyez-le ou non, Siam était dans cet état si particulier qu'elle ne montrait à personne : elle était triste et nostalgique.
La vieille avenue marchande... Que de souvenirs... Malgré le chahut qu'elle y avait mit durant bien longtemps, semant la zizanie à coup d'éclat de rire avec sa bande de canailles, plus jeune, elle avait cessé ce jeu favori quelques années plus tôt, se choisissant un nouveau terrain de jeu. Mais voila : elle y était repassé peu de temps auparavent avec Light Heart, et cela avait éveillé en elle une blessure qu'elle pensait pourtant cicatrisée et qu'elle souffrait de nouveau avec surprise.

Elle contemplait de ses yeux clairs la lune -presque ronde...fichue pendule à lycan-, assise sur le rebord d'une fenêtre. Non, pas une fenêtre, sa fenêtre. Avec un sourire triste, elle regarda à travers le carreau. A présent, cette chambre était vide. Kaith était parti. Son meilleur ami, compagnon de jeu attitré et plus grand prétendant, Kaith, avait disparu depuis un an ou deux. Plus même sans doute. Elle eut un rire sans joie en se rememorant toutes les fois où, le soir, elle venait le kidnapper à la vigilance de sa mère pour l'entrainer dans ses folies de turbulente petite sauvageonne. Enfin... Avec un lourd soupir, elle se laissa tomber, crocheta une poutre au dernier moment et dans un nouvel élan, attérit souplement au sol.

Avec un dernier regard à la maison de Kaith, elle replaça des mèches échappées de sa coiffure improvisée et égayées par le vent derrière ses oreilles, puis se détourna pour une promenade nocturne.
Elle sursauta. Il y avait quelqu'un dans la rue, et elle ne l'avait pas remarqué... Rare... Depuis quand était-il là ? Qui était-ce ?
D'instinct, elle changea d'humeur : elle n'était plus seule. Siam est très lunatique. Bien que toujours ébranlée par ses vieux souvenirs, elle redevint cette petite rouquine à l'esprit fort et retord accompagné de ce sale caractère qui la caractérise si bien. Avec un semblant de bonne humeur et un pas plus guilleret, elle avanca vers l'individu mystérieux, histoire de le saluer et, pourquoi pas, entamer la discution quand...

Son sang ne fit qu'un tour avant de se figer dans ses veines.
*Pourquoi lui ?*
Horrifié, lèvres pincées, et intérieurement affreusement courroucé de sa réaction, la jolie rouquine désappréciait apparement fortement ce qu'elle voyait...
...Ou pas.
Toujours est-il qu'elle le reconnut de suite, avant même peut-être ses yeux amaranth, Siam reconnut cette présence douce, stoïque et un peu triste, cette aura tranquille et froide, presque apaisante qui l'avait tant troublée... Et tant énervée !!

Joshua Jonhson.

- T'essayes de bronzer ? lacha-t-elle d'un ton ronchon et stone, agacée de sa propre réaction à la présence d'un simple, insignifiant, méprisable, inconnu, infime, negligeable, tout à fait sans importance et la laissant à vrai dire totalement de marbre, absolument insensible et indifferente, présence donc je disais d'un vampire qui contemplait la lune.

*Pourquoi lui ?*

La pensée frappa Joshua de façon soudaine. Bien sûr, qu'il l'avait sentie arriver. Assez tardivement, certes, puisqu'il était perdu dans les méandres de ses pensées. Cependant, il avait été aisé de reconnaitre son pas, son ouïe avait immédiatement reconnu les battements de son cœur, et l'odeur de son sang était monté jusqu'à lui comme d'enchanteresses effluves. Il fronça les sourcils un bref instant. Depuis combien de temps ne s'était-il pas abreuvé? Un moment déjà... Oh, il pouvait tenir, hein. Le seul ennui était qu'il serait un peu plus irritable que d'ordinaire. Uh. Voilà qui serait charmant.

Il se concentra un instant, ignorant la pique de la jeune femme. N'avait-elle que ça à faire, que de lui adresser la parole? Parce que, bien sûr, elle ne pouvait pas décemment passer son chemin, s'éloigner de lui à jamais, aller chercher des ennuis ailleurs ou se jeter du haut des falaises. Non. Il fallait qu'elle vienne lui parler à lui.

Il poussa un profond soupir, et se donna la peine de répondre à sa pensée, lui rappelant par la même occasion son agaçant don:

-Pour la simple et bonne raison que tu as décidé de m'adresser la parole. Tu m'aurais ignoré, ou pas vu du tout, et cette rencontre n'aurait jamais eu lieu.

Ah, ça, il ne fallait demander à Joshua de lui parler de destin, d'inéluctable ou encore de voies toutes tracées. Même pour ce qui concernait les évènements les plus étranges de cette île, il savait qu'il ne s'agissait là que d'une quelconque mise en scène égayée de subterfuges. A faire froid dans le dos. Il trouvait ça effrayant que de savoir ce qui se tramait, partout, de savoir sa vie contrôlée par des hommes qui se prenaient pour des dieux. Ah, ça non, sa théorie, il n'en démordait pas. Une fois il en avait parler à Leah et à Caméo -séparément, s'entend. Le Prince avait rit ou avait été sérieux. Ou les deux. L'idée avait semblé le fasciner un instant, peut-être. La louve blanche, quant à elle, s'était contentée de hausser les épaules. Elle croyait dur comme fer à sa destinée, à son devoir, à sa propre voie qui lui était tracée. Elle ne ferait que des détours, elle ne se battrait que pour ses idéaux. Elle, elle ne se prenait pas la tête au moins.

Joshua se redressa après un silence, puis posa ses prunelles écarlates sur la petite Siam avant de déclarer, plus stoïque que jamais:

-Garde l'idée de bronzage pour un Lycan. Ca fera certainement plus d'effet.

Ouh... Même si ses répliques changeaient pas beaucoup de d'habitude, l'ami Joshua n'avait pas l'humeur au beau fixe...

Siam était très occupée à remettre ses pensées en état de tourner quand le vampire lui répondit. Pour le coup, ce fut peut-être un joyeux bronks de pensées dans son esprit mais au moins pour tourner, ça... Elles tournaient ! Elles étaient même en ébullition !

Joshua avait effectivement fait trois choses fortement sensible d'énerver la jolie sauvageonne : la première était relativement simple : il était vampire et avait croisé sa route (comment ça c'était elle qui avait croisé la sienne ?), deuxièmement, vous vous en doutez bien : on ne parle surement pas sur ce ton et en de tels propos à Siam, et troisièmement... Il avait posé sur elle ses maudits yeux rouges... Et cela la troublait déjà, comme plus tôt sur la plage. En plus, cela lui rapellait ce crétin de mastodonte sur la place.
*Qu'est-ce qu'ils ont, tous a avoir des yeux rouges, c'est la mode ?* pensa-t-elle avec humeur, et avant que son trouble ne la saisisse totalement, elle réagit avec brusquerie :
- Un lycan ça ne bronze pas, c'est poilu.
Ouch... Elle eut l'impression de plonger d'un peu perchoir dans un lac et de se prendre un plat aussi magistral que douloureux. Dieux du ciel... Qu'est ce qu'elle racontait...? Une pique aussi nulle était-elle déjà sortie de sa bouche ? Certes pas, cela ne ressemblait absolument pas à Siam d'avoir une répartie aussi pathétique... Elle piqua un fard en portant sa main à son front.
*Qu'est ce qui me prend moi ? Ca va pas ou quoi ? Ressaisis-toi ma grande !* se sermonna-t-elle, affolée de tomber si bas... Fichu trouble.

Elle secoua la tête et tenta d'analyser la première phrase du vampire, histoire de comprendre pourquoi il avait dit ce qu'il avait dit et surtout pour essayer de trouver quelque chose de consistant à répondre... Décidement non ; où était le rapport entre leur rencontre et les lycans...? *Il est fou ou quoi ce type ?* Quand l'évidence lui revint avec force : les vampires étaient télépathe... Elle le regarda avec horreur... Cela signifiait que depuis le debut il lisait en elle comme dans un livre... ? Mais oui ! La dernière fois déjà il lui avait reproché de penser trop fort... *Oh nooon !*. Cette révélation lui redonna de la hargne :

- Dis donc vampire, on ne t'as jamais dit que les pensées c'était privée ? Dégage de ma tête ! Et pour ta gouverne lorsque l'on croise quelqu'un que l'on connait dans la rue on le salut, vous êtes encore beaucoup à ignorer les règles de base de l'éducation ? fit-elle en référence à Ikari qui lui avait chanté un refrain similaire quelques jours auparavant.

Bon, le ton était encore un peu bancal et les paroles pas très méchantes mais c'était déjà mieux... Elle s'emmêlait un peu la pauvre Siam... Plus moyen de trouver des piques digne de ce nom... Tout ça à cause de ces fichus yeux, à coup sûr c'était un truc de vampire ! *Bande de tricheur...*.

Qu'elle était bruyante! Par les crocs, mais qu'elle était bruyante! Adieu la quiétude, désormais. Ce n'était le genre de chose que l'on pouvait attendre de la farouche Siam. Joshua dû retenir un soupir, histoire de continuer à paraître aussi stoïque que d'ordinaire. Il se contenta de hausser un sourcil, alors que Siam déblatérait toutes sortes d'absurdités. Oh tranquillité, douce tranquillité... Pourquoi donc t'es tu envolée? Hem, nous nous égarons, veuillez m'excuser.

Comme à son habitude, Joshua prit son temps pour répondre -ou non- aux multiples remarques et interrogations plus futiles les unes que les autres de la rouquine. Et il décida, histoire de se montrer suffisamment agaçant, de commencer par la question de la télépathie, qui, bien entendu, était certainement le plus gros problème de Siam pour le moment.

-Tu sais, tous les vampires ne sont pas télépathes. Très peu le sont, en fait.

Ahah! Siam, il semblerait que tu sois simplement tombée sur le mauvais vampire. Bête, hein? En même temps, valait mieux rencontre Joshua que Cameo, soyons honnêtes. Mais bon, il fallait dire que dans la catégorie "je ne sais que m'attirer des ennuis", la sauvage rouquine était championne. Oh, elle avait quelques personnes pour essayer de lui voler son titre, heureusement. Elle s'ennuirait un peu, autrement!

Il fronça les sourcils, en réfléchissant à ce qu'elle avait dit plus tôt. Les règles de politesse? Se connaître? Qui avait dit qu'il voulait la connaître? Il finit par répliquer, neutre comme jamais:

-Et bien, je ne vais pas t'apprendre les règles de politesses des vampires, Siam. Tu dois déjà les connaître.

Sous entendu, les gens que tu connais, tu les bouffes et puis c'est tout. Non pas qu'il veuille faire de la répartie, mais il trouvait cela tout à fait stupide de dire bonjour à son prédateur. Le petit lapin qui dit bonjour en passant devant le terrier du renard, il devait être vraiment, mais alors vraiment con. Ou maso? Enfin, pas le renard. Siam. Peut être l'était-elle, puisque partout ou elle passait, elle provoquait sa chance. Elle attendait qu'on vienne la déchiqueter avec impatience pour jouer avec sa vie de la sorte?

Uh. Il lui poserait la question. Un jour...

Siam observa le vampire en silence durant un long moment. Ses idées se remirent en place petit à petit : elle s'habituait à ce trouble qui la saisissait à chaque fois que... *que quoi d'ailleurs ?* Etaient-ce les vampires ou ce Joshua en particulier qui la chamboulait tant ? ... Ben voyons ! Pourquoi seulement lui ? Pour être aussi perfide cela devait venir de leur nature profonde, ce Joshua Jonhson n'avait absolument rien de plus que les autres sangsues !! Pourquoi seulement lui, lui ferait cet effet ? Rah !!! Ce qu'elle pouvait le detester décidement ! *Qu'il aille au diable ce crétin de vampire...* Et puis d'abord c'était quoi cet air condescendant qu'il affichait ? Elle le fatiguait ? Il n'avait qu'à rester dans son château hanté s'il n'était pas content ! *C'est quoi son problème à ce mec ?*

Et oui, prenez garde, Monsieur Jonhson... La jolie sauvageonne s'habitue à son trouble qui ne pourra alors plus la freiner.

Si tout ce qu'il se passait dans sa tête devait être assez clair pour Joshua, à vrai dire ses expressions n'en révélaient pas moins : elle serra les poings, une ombre -précédant la colère sans doute- tomba sur ses yeux clairs et sa jolie frimousse changea du tout au tout : de déstabilisée, elle devint franchement courroucée, mais un courroux plus noir, plus sombre que lors ses crises capricieuses habituelles... Il se fichait d'elle, môssieur était de sale humeur ? Et bien il allait trouver à qui parler ! La petite chasseresse n'aimait vraiment pas qu'on la traite comme un élément ennuyeux, comme une vulgaire gamine. Et à ce vampire là en particulier, elle en voulait beaucoup.

- Dis donc toi... T'as un problème ce soir ou quoi ? Je t'ai connu plus ramolli et plus poli, du moins pour un monstre. Tes règles de politesses, ça ne t'en fais pas : je les connais plutôt bien étant donné que tu m'en as déjà fait la démonstration.

C'est que son ton hargneux était bien plus venimeux que d'ordinnaire... Elle frissonna en se rappellant les crocs frôlant son cou... La main glacée sur son épaule... Cette impuissance, cette interdiction de tout mouvement... Cette fascination macabre qu'elle avait éprouvée. Son trouble revint à la charge et elle le repoussa avec un énorme effort de volonté boosté par la colère : ça elle ne le lui pardonnerait jamais ! Ni son geste, ni l'effet qu'il avait eu sur elle !

- Cependant, reprit-elle toujours aussi vénéneuse -ce qui ne lui ressemblait mine de rien pas tant que ça-, à cette époque t'avais l'air plutôt triste, je commencais même à penser que tu pouvais être un type bien, une sangsue pas trop pourrie avant que...

La jolie sauvageonne passa sous silence la suite, du moins oralement car son esprit revit les révélations de Joshua quant à sa fiancée. Il ne faut pas croire : si elle évoqua clairement ce passage mentalement, c'était parfaitement volontaire : elle le montrait au buveur de sang -bien fait ! il n'avait qu'a pas être télépathe ! C'était bien sa vaine...-. Jonhson était désagréable ce soir ci, Siam savait très bien l'être aussi. Elle n'aimait pas, mais alors pas du tout l'attitude qu'il avait envers elle.

- Et chez les humains, on se salut. Je le suis, navrée que mon éducation te fasses de l'ombre, je ne l'ai pas oubliée, moi.

Sans doute faisait-elle référence au fait que les vampires avaient été autrefois humains. En tout cas, ce genre de piques là n'étaient pas habituellement les siennes... La petite chasseresse semblait moins puérile, impulsive et colèrique ce soir ci. A quoi cela était-il dû ? A ses souvenirs ressurgit peu avant sa rencontre avec Joshua, ou bien à la haine qu'elle éprouvait pour lui ? De la haine... Du moins le pensait-elle.

Il arrive un moment ou stoïcisme et raison ne sont plus, même pour les plus sage. Il arrive toujours un moment ou l'on n'est plus soit même. Même pour Joshua. Et Siam va, malheureusement en faire les frais.

Joshua fit un effort hors du commun pour rester égal à lui même, neutre et stoïque, vierge de tout sentiment. Il la fixa sans la moindre expression, et ce même quand elle mentionna les règles de politesse en question. Il était bien entendu hors de question pour lui de dévoiler quelque désir ce soit. Céder à la tentation du sang humain une seconde fois serait vraiment la pire chose qui pourrait lui arriver, selon lui. Il se sentait assailli par les pensées sans queue ni tête de la rouquine, mais là encore, il n'en montra rien. Répondre d'avantage serait certainement une erreur. Il ne ferait que la provoquer et prolonger l'échange. Quoi? Ah, bien, oui. Joshua voulait à tout prix qu'elle s'en aille. Ou au pire, il s'en irait et elle finirait par croire qu'elle arrivait à fuir un vampire -ce qui n'était pas tout à fait faux, en même temps...- et cela pourrait lui monter à la tête. Uh, un nouveau facteur aggravant le cas de la jeune humaine puisqu'elle trouverait par la même occasion de nouveaux moyens de se mettre en danger.

Joshua était loin d'être bête. Il décida finalement de s'en aller de lui même, puisque jamais Siam ne lui ferait jamais cet honneur. Il se leva, enfouit ses mains dans ses poches, prêt à s'en aller. Mais voilà, Siam était purement inconsciente et prit bien soin de remémorer les révélations au sujet de Natasha. N'avait-elle pas compris qu'il était de mauvais poil? Ou bien était-elle vraiment suicidaire? Il serra les poings si fort qu'une pierre entre ses mains serait devenue poussière. Il se contrôla... Le temps qu'elle finisse sa tirade. Et là, chose très rare, Joshua Johnson s'énerva. Non, il ne jouait pas, il ne s'amusait pas à faire peur, parfait dans son rôle de vampire à la force mesurée er ardente. Là, c'était sa colère, sa rage, dirigée aussi bien contre lui même que contre Siam. Elle manquait, selon lui, cruellement de respect envers son passé. Et cela revenait, selon la logique du vampire que je n'exposerai pas là, à manquer de respect envers celle qui avait donné son sang pour lui. Celle qu'il avait aimé.

Il fit un pas, un seul, et posa sa main sûr l'épaule de Siam, pour la serrer. Oh, il aurait pu serrer si fort qu'il l'aurait broyée. De la chair, du sang. C'était ce qu'il lui fallait, sans aucun doute, pour éveiller l'instinct sauvage qui dégea, rampait en lui, lentement mais surement, pour un jour crever la surface. Ce jour n'était pas venu. Pas encore, tout du moins. Et heureusement pour Siam.

Les yeux assombris par la colère, cette démence vampirique qui lui donnait soif, plus soif que jamais, qui lui brûlait la gorge, qui faisait trembler ses membres, il se pencha vers elle, non pas menaçant comme la fois précédente, mais juste terrifiant, par le naturel de ses gestes, par son maque d'humanité, par la soudaine pâleur de sa peau... Oui, il était devenu livide, perdant ainsi la seule caractéristiques non vampirique qui dégageait une partie de son charme. Joshua n'était tout simplement plus même, quittant ses idéaux un instant, comme pour prouver qu'il n'était que ce qu'il voulait être.

Il susurra alors:

-Bonsoir Siam.

Enchantresse, sa voix rauque, masculine et vibrante était une arme, un atout destabilisant. Il continua sur le même ton, sous entendant qu'il voulait là croquer:

-Veux-tu pousser les politesses plus loin?

Il avait soif. Vraiment soif. Ces crocs lui faisaient mal. Le sang de Siam devait être délicieux. Le plus délicieux qu'il n'ait jamais bu. La colère. La soif. La sauvagerie. Il inspirait tout cela à la fois, alors qu'il se penchait, encore et encore, hors de contrôle, loin de toute conscience, juste guidé par son instinct vers la peau tendre et fraiche du cou de Siam. La dernière fois, il n'avait été qu'avertissement. Là, il était le danger. Le sang pulsait près de lui. Chaud. Délicieux. Sa joue frôla celle de la rouquine, son souffle froid caressa son oreille, sa nuque, désireuse de provoquer les frissons de peurs, la poussée d'adrénaline qui rendait le sang tellement plus gouteux... Et alors, quelques centimètres encore, et ses lèvres caressèrent la peau de Siam et sa langue gouta la peau si délicieuse, prêt à croquer dedans, à se délecter de ce qui l'attendait...

Sauras-tu trouvé les bons mots pour inverser la donne, Siam? Réagir comme il le faut?

Pour la première fois de sa vie, peut-être, Siam sut ce à quoi la peur pouvait s'apparenter. Elle eut l'impression de sombrer dans un lac gelé l'engloutissant toute entière, la glaçant si profondement qu'aucun geste ne lui était plus permis, pas même un frisson, le gel l'étouffait, la faisait suffoquer, pénétrait sa chair si fort que ce fut comme des millier d'épines glacées traversant son corps. Elle n'entendait plus rien que le battement sourd de son sang cognant à ses oreilles, ne voyait plus rien dans la noirceur de l'onde sinon... ces yeux... Deux rubis flamboyant qui accrochaient son regard, l'aimentaient, y plongeaient profondément, le noyaient, l'incendiaient... Si prenants qu'elle n'arrivait pas à s'en détourner. Tout son esprit était engourdi par cette aura si sensuelle, si suffocante d'iréalisme tant elle semblait divine, tombé dans une léthargie latente, dans un rêve entièrement centré sur Lui... comme endormi par la berceuse mortuaire de Son charme.
La petite chasseresse pensait alors sans doute être arrivée au paroxysme du sortilège...
Oh, comme elle se trompait... Doucement, Il éleva la voix. La voix. Un mot aussi commun lui parut complètement dérisoire. L'envoûtant, ensorcellant ses pensées, le murmure de Joshua acheva de faire tomber ses maigres défenses avec une facilité démente. Ses notes si parfaites se faufilèrent jusqu'à son âme pour mieux frapper... Et quel coup... Délicieusement douloureux, il ébranla tout son être, l'enchaîna à ce regard amarante qui paraissait à présent pouvoir tout ordonner.

Curieuse sensation... Incapable de réfléchir, Siam n'était plus qu'une poupée entre les mains du vampire, une poupée palpitante de vie dans les mains glacées de la mort elle même, semblait-il. Elle ne savait plus rien, ne ressentait plus rien, ne pensait plus à rien sinon... Qu'elle le voulait ou du moins qu'elle voulait se donner. C'était ça, alors, le pouvoir d'un vampire... ?
De nouveau, il chuchota, dans un état second, elle sentit son souffle la caresser, son odeur l'enivrer. Elle sentit qu'il s'approchait... Encore... Et encore... Elle sentit ses canines effleurer son cou, un frisson de plaisir la parcourut, chaque particule de son corps pouvait Le ressentir, car chacune d'elles tendaient vers Lui. Curieuse, ô combien curieuse sensation. Comment repousser un être que l'on désir tant ? Terrible enchantement que celui des vampires. Voila pourquoi on ne pouvait leur résister... Voila pourquoi... *Non !* Ils gagnaient toujours... Ainsi, c'était comme cela que tant de gens... *Réveille-toi !* avaient fini ? Finalement, ils avaient eu de la chance... *Bouge !* Car c'était sans doute la plus belle mort que l'ont puisse avoir... *Bouge bon sang !* Tué par un être si divin... De toute façon, il n'y avait pas à se débattre : cela ne servirait à rien. *Je t'interdis de mourrir sans réagir !* Ils étaient les plus forts, alors autant profiter de ce merveilleux sort... Car pour ce seul instant, même si ce devait être sa mort, il n'était rien qu'a elle, et elle n'était rien qu'a lui... *J'ai dit...*

- NON !

Brisant toute la magie de l'instant, son cri déchira la léthargie dans laquelle on l'avait plongée. Ses sens anéantis revinrent en bloc avec une violence inouie, un peu de sa lucidité aussi : Joshua était penché sur elle, prêt à mordre. Elle fit un violent mouvement pour le repousser mais ce fut vain : la prise était trop forte, elle ne put même pas bouger. Et cet engourdissement qui revenait... Non ! Décidement, non ! Ce... ce... rah elle ne trouvait même pas de mot assez fort pour décrire tout le ressentiment qu'elle éprouvait alors pour Joshua, mais un truc était sûr : elle refusait de céder à son sort ! Mourrir était une chose, vouloir mourrir en était une autre, cette puissante attraction qu'il exercait sur elle était vraiment perfide et malsaine... Et pourtant si... Non ! Il fallait absolument que...

- Lâche-moi imbécile ! articula-t-elle avec colère, difficilement étant donné l'envoûtement que l'assaillait de plus belle.

Mais que faire contre un vampire assoiffé ? La petite partie de son esprit en éveil tournait à toute vitesse. Siam était tout de même doté d'un certain instinct de survie, et elle avait un redoutable sens de l'observation. Or, lorsque les deux travaillaient ensemble, ils trouvaient forcément une solution : le seul point faible qu'elle avait pu noter chez ce vampire, c'était le souvenir de la mort de sa fiancée. Il semblait le regretter amèrement -et pour cause !-.
Sans même prendre le temps de calculer ses chances d'aggraver son cas (de toute manière elle n'en avait sûrement pas le temps-, ses mots franchirent ses lèvres sans qu'elle n'ait aucun réel contrôle dessus, la panique agissant toute seule :

- Alors tu vas vraiment recommencer ? C'est moi la suivante ? Ta fiancée ne t'as pas suffit ? Je croyais que t'étais un sentimentale ! Secoues-toi Vampire ! Ne te conduis pas comme une bête, t'as été humain, tu dois t'en souvenir, et maintenant ! Rappelle-toi comme tu l'aimais et comme tu le regrettes de t'être abreuvé d'elle ! T'as envie de remuer le couteau dans la plaie ? Tu veux vraiment recommencer à te morfondre ? Tu ne veux pas me tuer ! Tu ne veux pas ! J'en suis sûre !

Mais qu'est ce qu'elle racontait...? Les souvenirs de leur discussion sur la plage lui revenaient et elle s'accrochait aux moindres détails pour les ressortir au vampire. Tout était bon à prendre, de toute façon, ça ne pouvait pas être pire... Mais de là a affirmer qu'il ne voulait pas la tuer, lui, un vampire...
Qu'importe ! Elle n'était sûrement pas en état de compiler ces reflexions ! Elle déblaterait tout ce qu'elle pensait et tant pis pour le tri !

- Allez Joshua ! Joshua ! C'est ça ton nom, nan ? Joshua !

Sans savoir pourquoi, elle avait l'impression qu'en l'appellant par son nom, le vrai Joshua reviendrait peut-être... Du moins celui qui s'était empêché de la mordre jusqu'à présent. Elle se ressentit défaillir... Dieux du ciel il émanait de lui un tel charme qu'il était terriblement simple de se laisser prendre au piège et... et puis comment résister... ? Elle ne parvenait plus à parler... *Joshua remues-toi ! Souviens toi un peu ! Par respect pour sa mémoire !* Voila ce que l'on appellait : "parler de ce qu'on ne sait pas", mais l'urgence ne permet pas la convenance.

Non. Non, non, non et non. Il n'était pas comme ça. Il ne voulait pas revivre ça. Et pourtant... Sa conscience avait beau lutter, elle ne parvenait pas à reprendre le dessus, noyée dans la sauvagerie, cette barbarbie instinctive qui émanait de lui. Il ne devait pas. Que cette soif arrête de lui brûler la gorge! Que ses sens cessent de percevoir les battements du cœur humain, si rapides. Le sang, si chaud, ne cessaient de l'envoûter, l'odeur, la chaleur. La soif qui enivrait ses sens, les déformait. Et ses canines, qui le démangeaient, ces fourmillements qui traduisaient le besoin de mordre la chair. La chair si tendre, la peau si douce, si belle de la sauvageonne.

Il était le danger.

Ses incisives raclèrent la peau de Siam, à l'image de sa lutte. Ne pas mordre, ne pas mordre. Surtout, ne pas répéter les mêmes erreurs. Ne pas revivre la même souffrance. Et Siam, elle se débattait. Pas comme Elle. Elle qui avait donner sa vie pour lui, Siam se battait pour la sienne, même quand tout était vain. Siam était le courage, l'inconscience. Pourquoi lui avait-elle adresser la parole? Pourquoi braver le danger? Y avait-il seulement de vrai danger, ou bien, essayait-il seulement de se convaincre qu'il ne pouvait rien faire à ce qui allait arrivé?

Il était le doute.

Et sa conscience était ascension. Une belle et douce ascension. Il reprenait son souffle, heurté. Ses mains serrèrent encore un peu plus les épaules de Siam. Ses lèvres s'éloignèrent du cou de la proie. Il devait se calmer. Tout de suite. Mais il ne parvenait pas à se défaire de la rouquine. Il n'arrivait pas à s'éloigner du sang. Il restait désorienté et ne tremblant.

Il l'attira contre lui.

Joshua serra Siam dans ses bras, moins fort, la gardant contre lui. Il avait posé sa tête sur la sienne, respirant à grande goulée l'air automnal de la rue, accompagné des effluves agréables des cheveux de Siam. Faisant le tri dans son esprit. Essayant d'oublier l'odeur de l'exquis écarlate, de l'omniprésent. Plutôt que les battements du cœur affolé, il se focalisa sur la respiration. Tout sauf recommencer.

A nouveau la paix.

Enfin, il relâcha sa captive, recula de quelques pas, tête basse. Il avait été effrayé, de la façon dont il avait pu l'attirer. Comment, dans un premier temps, elle s'était laissé faire. Se jeter dans la gueule du loup, hein. Il serra les poings, se laissa retomber sur le banc, ayant tout perdu de sa classe habituelle, de sa beauté froide, de sa neutralité à toute épreuve.

-Tu ferais mieux de t'en aller.

Allons, allons, me petit Josh. Tu auras reprit du poil de la bête demain. Après t'être recueillit un peu sur la tombe de Natasha, tout ira mieux. Tu es un Vampire après tout, ce genre de chose arrivent, même à toi.

… On dit qu’au seuil de la mort, on revoit toute sa vie. Siam ne revit rien du tout. Etait-ce parce qu’elle ne vivait que pour le moment présent, ou peut-être parce qu’elle ne regretterait de toute façon aucune de ses folies ?
Non. La réalité devait être bien plus simple : Siam ne se dit pas une seule seconde qu’elle allait mourir. C’était dans sa nature : elle lutterait jusqu’au bout, il n’y avait pas de place en elle pour la résignation. Son esprit s’acharnerait contre l’attirance du vampire, il hurlerait à son corps de bouger, il hurlerait pour se maintenir en éveil, il hurlerait à s’en détruire, il hurlerait tant qu’une brise de vie le parcourrait. Jusqu’au bout. Pas un seul instant il ne cesserait de se battre, pas un seul instant il en effleurerait l’idée.

Jusqu’au bout, elle lutterait. C’était une promesse qu’elle s’était faite depuis qu’elle était en âge de la formuler.

Toute trace de peur l’avait désertée. A présent, seul comptait son combat contre l’envoûtement du vampire. Ou plutôt non : sans doute la peur était-elle là, omniprésente même, mais tant entremêlée de détermination, submergée par une si féroce volonté de vivre qu’elle ne la ressentait même plus. A vrai dire, elle ne ressentait plus grand chose. Seulement ce violent sentiment de survie et Lui. Elle sentait ses canines se presser un peu plus fort sur sa jugulaire, racler sa chair, désirer son sang… Pourtant, sa présence lui paraissait vitale, elle se sentait si enchainée à lui que si jamais il s’éloignait, il lui arracherait à coup sûr le cœur au passage. Son cœur… Il battait trop vite. Beaucoup trop vite. Elle en avait le vertige, elle suffoquait…

Tenir. Il fallait tenir. Jusqu’au bout.

Le temps s’arrêta.

Ce fut comme dans un rêve. Un rêve à la fois trop beau et trop douloureux pour paraître réaliste. A moitié plongée dans l’inconscience, Siam sentit Son souffle s’éloigner de son cou… Elle se crut morte, un bref instant. Elle retint son souffle de peur, de briser le fragile équilibre de l’illusion. Cela paraissait si irréel. Elle aurait voulut faire néanmoins un bond en arrière, mais son corps n’était que statue de glace, figé, à la merci des caprices de son prédateur.

On la serra doucement. Ces bras l’apaisèrent : ca n’avait aucun sens, aucune logique. Même lorsqu’elle reconnut Joshua posant son front contre le sien, la panique ne la reprit pas.

Un battement de cœur, un souffle, le temps repartit.

Siam reprenait son souffle, sa poitrine se soulevant avec difficulté alors que la présence vampiresque paraissait l’étouffer toujours plus, le charme la faisant chanceler dangereusement. Elle crut défaillir. Son esprit redoubla de violence. Il luttait toujours, incapable de croire au miracle qui s’était produit : elle… vivait ? Impossible que tout cela soit si simple. C’avait été si dure de ne pas céder qu’un dénouement si facile paraissait dérisoire, cruellement comique même. Il ne pouvait baisser les armes, il se battait contre… contre quoi d’ailleurs ? L’enchantement avait disparu. Qu’importe, il fichait des coups dans le vide, incapable de s’arrêter.
Pourquoi alors, Siam ne voulait-elle pas que le vampire s’éloigne ? Elle, fière chasseresse, redoutait que la peur la saisisse à nouveau. Sans se l’expliquer –et sans même essayer-, elle avait l’impression que si le temps voulait bien la laisser contre Joshua, la peur ne reviendrait pas. Aucun sens.

Instant brisé. Joshua s’éloigna.

Ses jambes cessèrent de la porter. Telle une poupée sans vie, elle tomba à genoux sur les pavés froids de la rue. La rue… La rue marchande… Une atmosphère si familière… Etait-ce bien en ce lieu si aimé que venait de se dérouler ce long moment d’éternité macabre et glacé… ? Elle redécouvrit l’avenue, les yeux vides, les traits enfantins et inexpressifs, son esprit tentant de rattraper le fil des événements.

Pulsation de sang. Coup dans l'âme. Voile qui se lève.

Une fureur se mit à gronder en elle. Une fureur telle qu’il était hallucinant qu’elle puisse émaner d’un si petit être. Une fureur qui, ne pouvant être contenu dans un corps si frêle, explosa et envahie toute la ruelle tel un raz-de-marée balayant toute douceur sur son passage. Fureur palpable, écrasante. Lui aurait-on dit que le monde entier serait submergé par sa fureur que Siam eut trouvé cela dérisoire.
Elle se mit à trembler de rage, tous ses membres furent parcourus des soubresauts violents témoignant de son irrépressible envie de tuer. De tuer, oui. C’était là la vraie colère, celle qui ravage l’esprit, déforme l’âme, annihile tout contrôle de l’esprit, détruit son porteur et le fait sombrer dans la démence sourde et aveugle.

Fureur sans nom.

Elle ne se souvint pas s’être levée et approchée du vampire. En revanche, son poing heurtant ce visage si parfait avec une violence inouïe, une force dont elle ne se savait même pas capable, resta gravé en sa mémoire en lettres incandescentes.
Une force trop puissante d’ailleurs pour que la seule adolescente en fut la propriétaire : l’élan fut donné par son courroux inextinctible. Elle n’entendit pas le craquement, elle ne sentit pas la douleur qui irradia pourtant tout son poing, elle n’en eut pas conscience. Tout ce qu’elle savait, c’est que l’être devant elle devait mourir, sans quoi sa rage anéantirait toute vie en elle. Ce qu’elle sut aussi, c’est qu’avec son coup, un soulagement incroyable lui vint : ce fut comme retirer d’une plaie son poison. Sans réfléchir, seulement désireuse de purifier cette plaie, de ressentir à nouveau ce soulagement, elle porta un second coup. Du même poing. Moins fort peut-être.

-Tu es une créature méprisable.

Une lourde pierre froide tombant au sol avec un bruit sourd.

-Je te hais du plus profond de mon être.

Cru, simple, sans détours ni broderies.

-Chaque fibre de mon corps désir te voir mourir dans une lente agonie.

Haine pure.
Elle n’essaya même pas d’exprimer à quel point elle le haïssait : ce n’était pas la peine, elle lâchait juste ce qu’elle pensait sans réellement réfléchir. Extérioriser toute cette colère venimeuse qui la consumait. Laisser s’écouler le flot de haine à l’état pure qui l’empoisonnait. C’était comme un baume. Lâcher ces paroles si crues, qu'elle pensait si profondément en elle, qui pulsait dans ses veines melées à son sang, c’était comme un baume. Un remède vital qui l’empêcherait de devenir folle, qui l’empêcherait de se perdre.
Le vampire aurait très bien pu éclater de rire, se moquer d’elle, dire qu’il n’en avait cure… Elle s’en fichait éperdument. Tout ce qu’elle voulait, c’est qu’il s’imprègne de cette haine qui n’était que pour lui pour qu’elle puisse s’en libérer, la lui balancer au visage pour s’en défaire et cesser de suffoquer de la sorte. Rien d’autre ne comptait.

-Excuses toi.

Cela ne changerait rien : elle le haïrait quand même. Elle voulait cependant qu’il s’excuse, qu’il la considère. C’était cela : elle voulait qu’il la considère. Que ses excuses soient sincères où non, là n’était même pas la question, elle voulait juste entendre de sa bouche qu’il savait ce qu’il venait de faire, être certaine qu’il ne nierait pas. Savoir s’il l’avait prise depuis le départ pour un bout de nourriture ou non.
Plantée devant lui, son regard rivé dans le sien, elle l’incendiait comme lui l’avait incendiée, bien que la sensation et l’effet soient différents. S’il ne réagissait pas, elle resterait là. Toute la nuit s’il le fallait. La notion de danger lui était devenue complètement étrangère. Siam n’était que dérision. Que démence. Elle n’était plus elle-même, car elle ne parvenait plus à se retrouver dans les ruines que Joshua avait laissé de son esprit.
Calmée pourtant, la courageuse petite chasseresse se cherchait, tentait de remettre sur pied les vestiges de ses pensées. Pourquoi cela l’avait tant ébranlée ? Un vampire tentant de mordre un humain : normal. Alors pourquoi… ? Sans doute pas par peur de mourir… Etait-ce parce qu’après avoir vu tout ses points de repères balayés elle avait commencé à penser les monstres comme moins méprisables… ? Peut-être même digne de confiance pour certains… ? Ce qui venait de se passer ne détruisait-il pas une nouvelle fois ses convictions ?
Au diable ces questions ! Elle n’avait plus envie de réfléchir. Elle voulait juste sa réponse, quelle qu’elle soit.

Lui? Une créature méprisable? Merci, il le savait. Cela n'avait rien de nouveau, lui même ne cessait de se mépriser, luttait jours après jours, contre la soif, c'est abominable soif qui lui brûlait la gorge et les yeux. Joshua était un Vampire, et il n'y pouvait rien. Il releva ses yeux rouges, soudain plus ternes vers elle, à nouveau maître de ses impulsions et de ses expressions. Impassible, comme toujours, il encaissa, sans un mot. Que faire d'autre de toute manière?

Oui, il était méprisable. Oui, elle la haïssait. Et cela, étrangement, lui fit plus de mal qu'il l'aurait cru. Peut-être qu'on s'y attachait, finalement, à ces faibles créatures humaines. Peut-être.

Mourir dans une lente agonie. Pour un peu, il lui ferait se plaisir et lui tendrait des pieux. Pour un peu. Il n'oubliait pas ses objectifs pour autant, ce cher Joshua Johnson. Puis, s'il avait le malheur de survivre à la fureur de Siam, Cameo, ô divin Prince des Vampires se mettrai en colère en apprenant de Josh s'était laissé empalé. Il n'osait même pas imaginer le traitement qu'il réserverait au vampire survivant et à la rouquine farouche. Allez savoir pourquoi, un frisson lui parcouru l'échine alors qu'il songeait au fait que le Prince puisse poser ses sales pattes sur Siam avant de s'abreuver de son sang. Joshua? S'inquiéter pour une humaine outre mesure? Alors qu'il avait faillit la mordre? Et puis quoi, encore?

-Excuses toi.

Il la toisa immobile. Lui? S'excuser. Voilà qui serait bien nouveau. Obéir le serait encore plus. Le vampire aux yeux rouges ne connaissait que l'autorité de Cameo et n'en tolérait aucune autre. Et ce bout de femme, là, lui ordonnait de s'excuser? Oh, chère Siam, cet air farouche et l'impératif te vont si bien. Bien mieux que tes inutiles babillages habituels et autres âneries bonnes pour les adeptes de joute verbale. Quelle blague.

Il finit par froncer les sourcils. S'excuser. Elle les méritait, ces excuses, autant que Natasha, alors qu'il se repentait sur sa tombe tous les soirs. Des excuses. Cela ne lui ressemblerait pas non plus. Pas son genre.

Il prit une grande inspiration, et ferma les yeux.

-Mes excuses.

Le ton était le même que d'ordinaire, poli et posé et froid, sans aucune transparence, un mystère à part entière. Il ajouta, reposant ses prunelles de sang sur elle:

-Mais je ne te donne pas le droit de les accepter, ces excuses.

Non, elle n'avait pas à lui pardonner. Elle devrait le haïr, encore et encore, pour lui montrer à quel point il était horrible, dégoutant. A vomir. Il était un monstre. Une sangsue. Un buveur de sang. Une de ces horreurs qui peuplait l'île. Parfois, emporté par sa condition humaine, il oubliait, un bref instant. Il oubliait sa soif, son corps glacé. Il ne voyais qu'Elle. Et là, alors, quand le Vampire revenait à la charge, il était trop tard. Beaucoup trop tard.

Et il se prit à souhaiter que Siam vive et le haïsse pour lui rappeler son erreur.

Pour ne pas la commettre encore.

Les secondes s'écoulèrent. Le vampire ne disait rien. Siam attendait ; elle ne bougeait pas d'un pouce, ne cillait même pas. Seul sa poitrine se soulevant encore difficilement, oppressée par la rage qui l'avait saisie, prouvait qu'elle était toujours vive. La différenciait de son vis-à-vis. Ce dernier n'affichait aucune expression : son visage était vide, impassible, calme et froid. La petite chasseresse gravait en sa mémoire chacun de ses traits, les maudissant un peu plus à chaque les seconde qui s'écoulait. Elle ne bougerait pas.

Un frisson parcourut le bloc de marbre ciselé à la perfection en face d'elle. Ce qui la destabilisa franchement ; "vide, impassible, calme et froid" ? Alors pourquoi frissonait-il ? Certes, cela avait été imperceptible mais elle était si concentrée sur lui que rien n'aurait pu lui échapper. Pourquoi frissonait-il ? Ce n'était sûrement pas elle qui lui avait fait peur, ça, la jolie sauvageonne ne se faisait pas d'illusion.
Oh et puis qu'importe, il n'avait qu'a frissonner l'imbécile, s'il allait mal c'était bien. Néanmoins... Sous ses airs si indifférents... Il passait donc d'autre sentiments que l'arrogance, la faim et la violence... ? A quoi pensait-il ?

Joshua prit une grande inspiration et ferma les yeux. Apparement, ce qu'il allait dire lui coûtait un peu. L'ennuyait du moins.

-Mes excuses.

Comme c'était curieux... Cette impression qui envahit alors Siam... Cette douce vague de calme, cette paisible brise de baume qui balaya toute sa colère, toute sa haine, toute sa rage. Ses poings se desserèrent, le brasier dans ses yeux redevint de l'eau clair, les traits endurcis de sa jolie frimousse reprirent leur douceur facétieuse habituelle.
Curieux, n'est ce pas ? Il s'était excusé. Siam ne chercha même pas à savoir si c'était franc ou non. Il s'était excusé : il la considerait, donc. Il savait ce qu'il avait fait et savait même qu'il n'avait pas été en droit de le faire. Le ton avait beau être monocorde, la rouquine ne le remarqua même pas, toute a son soulagement de ce deferlement de calme qui avait anhihilé toute sa fureur empoisonnée.

Ses yeux, emplis d'une expression bien singulière mélange de soulagement et de détresse, s'embuèrent et elle retomba à genoux. Elle essuya une larme d'un geste rageur en poussant un profond soupir : c'était fini.

Qu'avait-il ajouté juste avant que ses jambes ne se dérobent sous elle ? Ah oui... "je ne te donne pas le droit de les accepter".
...
Ah ! Trop drôle ! Il se pensait peut-être être en position de lui interdir quelque chose, le bonhomme ? Elle en avait strictement rien à faire de ce qu'il voulait ! S'il avait des volontés, fallait y penser avant ! Pour qui se prenait-il à la fin ?
Signe que ça allait mieux : Siam reprenait du poil de la bête. Elle sentait encore un lourd poids en elle, mais son esprit recommencait à tourner à son rythme habituel, et dans le bon sens. Elle retrouvait ses morceaux d'âme dans les décombres et les assemblait. Petit à petit. Elle se retrouvait.
Relevant la tête vers les yeux sang du vampire, elle y planta férocement ses prunelles eau, froncant les sourcil, l'air courroucé. Courroucé, oui, mais rien a voir avec la fureur indiscible qu'elle avait ressentie quelques instants plus tôt. Rien que d'y repenser elle frissonait ; se savoir capable d'une telle haine l'effrayait un peu.

- Tu ne me donnes pas le droit... ? répéta-t-elle d'une voix incrédule où brûlait une indignation sourde, tu oses... ?

Elle ne trouva pas de mots pour exprimer son outrage. A vrai dire, aucune importance : Joshua le lisait directement en elle, et elle le savait si bien qu'elle ne fit absolument aucun effort pour retenir le flot de ses idées, histoire qu'il se sente agressé lui aussi.

- Nom d'un homme vampire ! Va pourir en enfer, je ne reçois pas d'ordre de ton genre de sale type ! Je me contrefous éperduement que tu veuilles que je les accepte ou non ! Ton avis a pour moi autant de valeur qu'un caillou sur mon chemin !

Ouch... Tous aux abris, Siam était de retour ! Encore toute secouée par les évenements, certes, mais sa langue claquait à nouveau !

- Cependant ne t'en fais pas : je n'accepterais pas tes excuses avant de t'avoir fait payer tout ça très cher !

Autrement dit -et elle en avait conscience-, pas avant très longtemps. Non seulement parce que faire payer quelque chose à un vampire quand on n'était qu'une petite humaine, ça n'était pas évident, mais surtout parce que la dette était énorme. En effet : Siam avait eu peur. D'habitude, elle affrontait toujours sa peur jusqu'à se familiariser avec : par exemple, elle s'obligeait à aller se baigner dans la mer une fois par mois alors qu'elle en avait une trouille monstre. Mais là... Le vampire l'avait saisi d'une telle façon qui lui avait été impossible de faire face. Elle ne le lui pardonnerait jamais.

Sa pique lancée, exténuée, elle rebaissa la tête et poussa un nouveau soupir. Soulagée, oui elle l'était. Pourquoi ? Oui, elle était heureuse d'être toujours en vie, mais surtout... La haine l'avait desertée.
Siam, malgré toutes ses simagrées, son agitation et ses grands mots est absolument incapable de haïr. Ca la détruit, ça lui fait mal, ça lui pèse. Lorsque Siam hait, elle se sent comme en otage, c'est pour elle une souffrance presque physique.
Les excuses du vampire avaient éteint cela. Stupide n'est-ce pas ? Aucune importance : la plaie se refermait, et Siam ne haïssait plus Joshua. Ah, attention hein ? : elle le detestait et lui en voulait terriblement, mais elle ne désirait plus le voir mourir, lui faire du mal n'obsédait plus ses pensées. Imaginez-vous à quel point il est horrible pour la petite sauvageonne d'être enchaîné par la haine à quelqu'un ? Comme il est douloureux pour une telle amoureuse de la vie de désirer la mort de quelqun ?

Sans réellement savoir pourquoi, elle se mit à rire. Oui, a rire ! Et comme il était beau ce rire... Emprunt de joie, cristallin, espiegle et malicieux, redonnant des couleurs au funèbre théâtre qu'était devenu l'avenue. Elle devait sans doute son hilarité à ses nerfs surmenés.
Elle voulut se relever. Mais décidement, ses jambes étaient en cotons... Bon, tant pis... Elle réessayerait dans cinq minutes.
Pour l'heure, la turbulente rouquine leva un regard plein de défi, un regard qui avait retrouvé toute son insolence, vers le vampire :

- Navrée mon vieux, je ne vais pas pouvoir t'aider à te sentir un peu plus martyr.

Pas besoin de lui dire pourquoi : il savait déjà qu'elle ne le haïssait pas. Il devait l'avoir lu. Comment Siam savait-elle que Joshua avait une tendance à s'auto-flageller ? Et bien leur dernière rencontre sur la plage... N'était-ce pas l'impression qu'il avait donné ? Et puis tout à l'heure, alors qu'il avait posé son front contre le sien... Oui, en réanalysant cela maintenant, elle voyait bien qu'il avait eu l'air bizarre.
Elle esquissa un sourire mauvais : c'était peut-être pire pour lui, remarquez, qu'elle ne le haïsse pas...

Lunatique la Siamou, n'est-ce pas ? Oui, toujours. Mais de façon si radical : il fallut vraiment que les émotions passées furent très violente et le soulagement submergeant.

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