Salut p'pa, Salut m'man...[Kana ]

On pourrait penser que, comme à son habitude, Ikari squattait les territoires de ses ennemis pour les provoquer, se battre - se faire battre même - mais alors, nous étions bien loin du compte. Pour une fois, Ikari n'était pas dans l'illégalité... Enfin, pas vraiment. De toutes façons, aux dernière nouvelles, il n'était pas interdit de se rendre au cimmetière, pour les humains. Et puis, quand bien même ce le serait, ce n'était ni les sangsues, ni les sacs à puces, et pas même ce Pacte stupide qui l'empêcherait d'aller se rendre sur la tombe de ses parents ! Non mais ! Car oui, si Ikari était sorti ce jour-là, c'était pour aller voir ses parents...

Il ne le faisait pas très souvent. Juste une fois, de temps en temps, lorsqu'il en ressentait le besoin. Besoin qu'il ne réprimait jamais, par ailleurs. Mais il savait qu'il lui serait totalement inutile d'y passer sa vie. Ce n'était pas parce qu'ils étaient morts qu'il devait se complaindre dans la douleur... Non, douleur il y avait, certes, mais elle exprimait plutôt par la rage. Et par le désir de vengeance. Surtout ce dernier, auquel il consacrait sa vie. Oui, la vengeance, c'était une façon comme une autre de repousser la douleur... Bref. De toutes façons, Ikari ne se posait plus ce genre de question - car oui, il y eut une époque où il se les posait, où il se demandait s'il suivait la bonne voie en souhaitait la vengeance, mais plus maintenant. Désormais, il se contentait d'assouvir sa vengeance, de tuer, et ce sans se poser de question. Il ne souhaitait pas se prendre la tête inutilement. Il s'était fait à l'idée que les vampires et les loups étaient des monstres, qu'il valait mieux éliminer... Et il préférait ne pas voir son avis brisé. Il vivait depuis bien trop longtemps à cette idée, et restait donc aveugle à des centaines de choses. Jusqu'au bout, il défendrait ses convictions. Jusqu'à son dernier souffle...

Enfin, Ikari était donc aujourd'hui sorti, peu après midi. La neige tombait délicatement sur Cave Cadas. Et lui n'y accordait pas la moindre importance. Il marchait, droit devant lui. Toutefois, quiconque le croisait pouvait deviner que, en ce jour, il ne se comportait pas comme d'ordinaire. Tout d'abord, même s'il conservait sa lourde épée sur le dos, il n'avait pas de dagues à la ceinture : et même, il était... En smoking. Ne dites rien : même s'il n'en avait pas vraiment l'air, quand on le regardait d'ordinaire, le smoking lui seyait parfaiteent bien. Peut-être à cause de sa grande taille, ou parce qu'il laissat délicatement aperçevoir ses muscles... Peut-être aussi parce que ce genre de tenue donnait à tout hommes un air on ne peu plus classe. M'enfin. Le serveur marchait donc vers le cimetière, la cravate correctement nouée autour de son coup et la soudaine classe qu'il avait acquérie n'enlevant rien à la determination qui brillait constamment dans ses yeux écarlates.

Le cimetière. Il ne tarda guère à l'atteindre, certaiemnement en aison de ses grandes jambes. Sans penser à quoi que ce soit de particulier, il se dirigea avec automatisme digne d'un robot vers la double tombe de ses parents. Se faufilant entre les tombes, recouvertes d'une fine couche de neige, avec une agilité surprenante pour quelqu'un de son gabari, tel une ombre. Enfin, il arriva là ou il désirait. Dans le silence - à quoi bon saluer les morts ? -, il détacha sa cravate sombre. Décidément, il ne s'y ferait jamais... Il se contenta donc de la laisser traîner sur ses épaules et sortit un baton d'encens de sa poche qu'il installa entre ses dents. Pas très digeste, mais il ne le garda que le temps de tirer un paquet d'alumettes de la poche de son pantalon, d'en craquer une et d'allumer ledit baton. Ensuite il saisit ce mme baton entre son index et son majeur droit et tendit le bras devant lui, pour laisser la fumée s'évaporer juste au-dessus des tombes. Il conservait un air terriblement grave, avec peut-être une certaine peine enfouie au fond des yeux... Mais là, il fallait être terriblement observateur, et l'avoir déjà vu auparavant. Maintenant, il se concentrait sur la fumée, laissant son éxprit partir de temps en temps dans ses souvenirs...

Il ne faisait pour une fois attention à rien d'autre. Juste au bâton entre ses doigts, et éventuellement aux flocons qui fondaient au contact de ses doigts...

Kana aimait bien l’hiver et la pureté que cette saison lui inspirait.
Chose totalement stupide, puisqu’elle attrapait froid tout le temps et finissait toujours par rester enfermée dans le château, une fois un bon rhume attrapé.
Pauvre petite Kana…

Rien n’y faisait cependant : elle ne pouvait pas s’empêcher de sortir dès les premiers flocons se délectant du bruit de ses pas dans la neige, l’aspect cotonneux de toute chose et la beauté du froid manteau. Selon elle, rien n’était plus exaltant que l’hiver. Oh, c’était de toute évidence une saison qui lui seyait fort bien. Kana n’était pas une forme de beauté douce et froide, avec son teint si pâle, sa fragilité à l’image des cristaux du flocon qui ne demandent qu’à se briser où à se fondre ? Bien sûr, elle n’avait guère conscience de cette ressemblance, que l’on pourrait presque qualifier de physique. D’ailleurs, le rapprochement étant aussi subtil qu’évoquant, peu de personnes semblaient réaliser à quel point il était présent dans leur esprit.

Bref, comme on pouvait s’en douter, Kana était sorti, aujourd’hui, après avoir longuement contemplé le paysage part sa fenêtre.
Elle n’avait pas grand chose d’autre à faire.
Il était étonnant toutefois qu’elle choisisse de se rendre au cimetière. La raison était simple, cependant. Il n’y avait pas beaucoup d’endroits agréables sur le territoire des Vampires. Cherchant à être tranquille sans pour autant quitter le territoire –elle ne voulait pas se trouver une fois de plus enfermée dans dieu-sais où- elle avait opté pour ce lieu lugubre et souvent désert. Heureusement, il était un peu moins glauque ainsi teint de blanc.

Vêtue d’un immense pull de laine noire dont le col roulé lui arrivait jusqu’au bout du nez et d’un pantalon serré de la même couleur, elle s’était assise sur un rebord de pierre épargné par la neige du fait qu’il s’agissait d’un abri couvert et avait contemplé la mer. En effet, tout le Nord de l’île n’était que falaises. Le seul endroit où l’on pouvait trouver une plage sur Cave Lamiam n’était autre que les falaises à l’extrémité nord, tout près du Château. Mais, Kana trouvait les vagues bien plus belles vues d’ici.

L’onde glacée lui inspirait une sorte de fascination.
Elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que, par delà l’océan se trouvait un monde tout autre. Un monde où elle aurait été emprisonnée dans un hôpital, peut être, constamment soignée et traitée pour sa faiblesse. Ou alors soignée, et elle aurait pu vivre normalement. Peut-être n’aurait-elle pas été Vampire. Ou encore, son existence aurait été impossible.

Ainsi plongée dans ses pensées, Kana n’avait conscience de rien d’autre que le fracas des vagues sur le rocher en contre bas et du froid qui s’immisçait en elle, fourbe et mordant. Ses doigts, cachés dans ses manches trop longues étaient déjà glacés, ses joues rougies par la bise et ses cheveux humidifiés par la neige malgré son abri. Elle claquait légèrement des dents, frissonnait, si bien qu’elle décida qu’il était temps qu’elle trouve un moyen quelconque de se réchauffer.

Cela commença par un doux fredonnement, à peine perceptible.
Puis, ce fredonnement gagna en ampleur, au fur et à mesure que la vampirette se laissait envahir par l’émotion. La mélopée était douce et légère, apaisante, à l’image des doux flocons et de leur voile, enchanteresse et discrète. Peu importe qu’elle ne se souvienne plus d’où elle connaissait cette mélodie ou qu’elle en ignore les paroles…
Elle aimait cette berceuse.

Le silence. Simplement le bruit du vent, transportant la fumée de l'encens. Pendant que brûlait la première moitié du bâton, Ikari n'entendit pas le chant de la jeune fille. Certainement parce qu'elle ne fredonnait pas très fortement cette mélodie, mais aussi parce qu'il perdait pied dans la réalité, parti dans ses souvenirs... Mais il reprit ses ésprits alors que s'amplifiait la berceuse de la vampirette. Tout d'abord, il n'y accorda absolument aucunne attention. Et puis, contemplant encore et toujours la fumée qui s'échappait de l'objet entre ses doigts, il comenca à se demander, tout d'abord, qui fproduisait ceette douce mélodie... Si douce berceuse...

Si familière... Familière ? Oui... Il l'avait déjà entendue... Mais où ? Quand ? Les souvenirs ne lui revennaient décidément pas. Frustrant. Mais cette mélodie... Douce chanson, pour enfants, certainement... Alors pourquoi elle le rendait si triste ? Quelle était la raison de tant de tristesse ? Il ne comprenait décidément pas... Il fallut que luelques larmes roulent sur ses joues - d'ailleurs, il ne les avait même pas vues venir - pour qu'il comprenne enfin. Il se mordit alors la lèvre. Partagé entre le désarroi, la rage et la peine. Cettre berceuse, bien sûr qu'il la conaissait... Il l'avait tant de fois entendue, lors de sa petite enfance... Sa mère la lui avait bien souvent chantée. Il réspira alors un grand coup et s'endurcit de nouveau. Posant le bâton en équilibre sur les pierres tombales, il essuya ce qu'il restait de larmes sur ses joues. Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait plus pleuré... Il n'allait sûrement pas recommencer auourd'hui ! Il se tourna alors pour voir qui avait osé chanter cette chose.

Il eut besoin d'un certain temps avant de repérer la jeune fille et, s'approchant d'elle et de son abris - d'ailleurs, ses propres vêtemnets étaient désormais bien humide, mais qu'importait -, il ne lui fallut cependant qu'un court instant pour la reconaître. Et ce même si elle lui faisait dos. Il fronça les sourcils. Pourquoi reconaissait-il cette fille qu'il n'avait vue que deux ou trois fois au premier regard ? De dos et alors qu'elle était une vampire, en plus ? Et quelle était cette impression étrange qu'il avait en la voyant ? Peut lui importait, en fait. Là, tout ce qu'il souhaitait, c'était lui faire payer son affront... Ou pas. Bien entendu, il était trop ennervé pour se dire qu'elle ignorait sans-doute qu'elle n'était pas seule, et plus encore le relent de tristese qu'elle provoquait en lui... Mais il ne tira pas son épée. Sans se l'expliquer, certainemnt parce qu'il trouvait ça trop irrepéctueux envers ses parents, il se contenta de récupérer la cravate sur ses épaules. Et, avant même de la laisser réagir, si jamais elle avait entendu les crissements de ses pas sur la neige fraîche, qu'elle avait entendu battre son coeur ou qu'elle n'ait réagi à son ombre imense, il... La baillona. Assez solidement pour qu'elle prenne quelques instants à se libérer, mais pas suffisament pour lui faire mal - ou alors, vraiment juste un peu. Et puis il prit la parole, d'une voix grave et forte... Forte ?

" Ne chante plus jamais ça. "

Ouais bon. La gravité y était, mais pour la force, c'était autre chose. Sa voix... Elle venait de trembler ! Il était encore sur le coup de l'émotion, ce qui était bien normal - et d'ailleurs la première preuve d'humanité qu'il avait montrée à Kana, si ma mémoire ne me trompe pas - mais ne le supportait pas. Elle n'avait pas à svoir ce que ce chant venait de produire en lui. Alors, le plus naturellement du monde, toujours derrière elle, et pour qu'elle "oublie" le tremblement de sa voix, ou qu'elle ne s'y concentre pas trop, il tira son épée et la plaça contre la gorge de la jeune femme... Toutefois, il n'entama pas sa chair. Il y avait une certaine forme de progrès, si l'on voulait... Enfin, il restait assez menaçant, comme ça, derrière elle...

Pauvre Kana.
Voilà que, sans qu’elle puisse avoir le temps de comprendre ce qui lui arrivait, elle se retrouvait avec une cravate sur la bouche, dans l’incapacité de chanter d’avantage et manquant de se mordre la langue dans la foulée. Oui, vraiment pauvre Kana de tomber toujours sur Ikari, par hasard pour une fois, et d’être immanquablement lié à lui par le destin. La question serait : un destin funeste ou non ?
Il faudra en juger par la suite.

Elle devina bien vite qu’il s’agissait d’Ikari.
Comment ?
Et bien, sa seule qualité Vampirique étant ses sens plus développés que la moyenne, valait mieux que cela serve. En l’occurrence, elle avait très bien retenu l’odeur si particulière du serveur à l’amabilité limitée. Pour cause, elle s’était retrouvée coincée la moitié d’une nuit avec lui, dans une cave. Souvenir des plus mémorables. Cependant, même si elle n’en avait pas vraiment conscience, elle l’aurait reconnu sans cet évènement quelque peu fâcheux.

Puisque c’était encore la même personne qui jouait les tortionnaires, Kana jugea qu’elle avait le droit de s’énerver. Etait-ce une façon de saluer quelqu’un ? Certes ils ne s’étaient pas vraiment quittés en de très bons termes, mais ce n’était pas une raison pour la traiter de la sorte. D’autant plus que cela remontait à quelques semaines désormais. Bref, elle avait bien l’intention de réagir de façon aussi exagérées qu’Ikari, comme ça, peut être se déciderait-il à la tuer une bonne fois pour toute. Oh, elle ne se doutait pas dans quelques instants qu’elle découvrirait qu’il y avait réellement un cœur, sous la masse musculaire impressionnante.

Elle se dégagea tant bien que mal et fit volte-face, descendant un peu vite de son muret, manquant de peu de se rétamer pour commencer :

« Mais, ça ne va pas ? Je peux savoir ce qui- »

Kana littéralement coupée dans son élan de paroles ou autres babillages aussi inutiles que furieux écarquillait les yeux de surprise. Que se passait-il ? Il avait rendez-vous ce soir ? Ou alors, un repas à la taverne, peut être ? Se passait-il quelque chose chez les humains ? Tant de questions se bousculaient dans sa petite caboche, alors qu’elle contemplait bouche bée l’aspect si différent qu’abordait désormais le serveur. Non, il n’y avait pas à dire, ce genre de tenue lui allait bien. Peut être un peu trop, d’ailleurs.

Et donc, comme on se trouvait dans un cimetière et que les questions continuaient à fuser dans l’esprit de la vampirette, l’une d’elle marqua l’évidence. Oui, il venait voir la tombe de quelqu’un. Mais de qui ? Elle pencha la tête sur le côté, sans se soucier d’avantage du colosse. Malheureusement pour Ikari, la jeune femme était loin d’être stupide, et déjà, intriguée, elle se dirigeait vers les volutes de fumée s’échappant des bâtons d’encens. Elle fut d’ailleurs étonnée de ne pas en avoir remarqué l’odeur plutôt.
Contournant le grizzly, elle se dirigea à petits pas rapides dans la neige dans la direction voulue. Oh, pour sûr, elle risquait de se faire écharper, mais bon.
Ne dit-on pas que la curiosité est un vilain défaut ?
Elle se planta devant les deux tombes, s’inclina humblement avant d’y lire les noms.

Des parents ?
Comme on pouvait s’en douter, l’âme si douce de Kana ne pouvait pas en vouloir à Ikari bien longtemps. Les seuls noms écrits sur les tombes suffisaient pour qu’elle fonde et lâche d’une petite voix, enrouée par la peine :

« Désolée… »

Puis comme elle se doutait qu’elle se ferait tuer si elle laissait couleur ne serait-ce qu’une larme d’immonde vampire sur la tombe de ses parents, elle fit de son mieux pour retenir son côté émotif.
Uh, elle devrait peut-être penser à sa propre survie, non ?

Bien entendu, si Ikari l'avait souhaité, jamais Kana n'aurait pu se libérer de son emprise. Toutefois, son seul but était de faire partir la jeune fille. Il ne souhaitait pas du tout qu'elle reste là, témoin de sa douleur. Elle n'avait pas à être là, de toutes façons. Vous me direz, c'était le territoire des vampires, et elle avait plus de droits, en principe, qu'Ikari sur cette terre, mais il s'en fichait. Pour lui, les vampires n'avaient rien à faire ici, surtout s'ils n'avaient personne à aller voir... Toutefois, il ne réagit pas assez vite. En fait, quand elle se retourna, visiblement furieuse, il en tira une certaine satisfaction : il avait ras-le-bol de la voir toujours douce et gentille - peut-être parce que cela le faisait un peu culpabiliser, d'être infect avec elle, dans ces conditions. En fait, il s'en fichait, de savoir pourquoi. Toujours est-il qu'elle s'arrêta brusquement, et qu'il crut presque qu'elle avait vu un fantîme. Il pensa, vu le regard qu'elle lui portait, qu'elle était choquée par s a tenue... Mais il s'apprêtait à lui demander c'était quoi, son problème, au juste, quand, soudain, elle le contourna pour faire il ne savait quoi. Se retournant pour la suivre des yeux, il se dit tout simplement qu'elle s'en allait, peut-être. Grosse erreur, mais bon. Après tout, personne n'est parfait, et Ikari n'a jamais prétendu l'être - d'ailleurs, le jour où il aura un don de voyance, il faudra me prévennir.

Enfin, bref. Toujours est-il qu'il rangea son épée, puisqu'il ne pensait pas du tout qu'elle irait voir d'où il venait, et regarda sa cravate, qu'il tenait du bout des doigts, d'un air dégoûté. Maintenant, c'était clair, il ne la porterait plus jamais ! Alors, il fit un truc très bête. Il craqua une alumette et mit feu à la cravate. Il aurait eu l'air très stupide si le feu n'aurait pas prit, ou pire, s'il s'était brûlé, mais il lâcha le tissus enflamé et presque entièrement consummé alors que les flammes étaient à un ou deux centimètres de ses doigts. De nouveau, il aurait eu l'air bête si jamais il aurait mis le feu au cimetière, mais la neige suffit à eteindre le tissu carbonisé. Il releva ensuite les yeux... Pour voir Kana, juste devant la double tombe ! Il poussa un juron et retira son épée, tout en s'approchant d'elle. Il s'arrêta à quelques pas d'elle lorsqu'elle lui dit qu'elle était désolée. Et alors, une chose lui revint en mémoire : l'autre soir, à la Taverne... Quand elle était ivre... Elle avait dit que ses parents étaient des loups ! Certes, elle ne s'en souvenait pas, mais cela ne l'empêcha pas de s'enerver et, crispant la machoire, les soucils fronçés, il s'éfforça d'oublier la douce mélodie qu'elle avait entonné peu avant... Pas si facile qu'il l'aurait souhaité, dans ce contexte. Toutefois, cela ne l'empêcha pas de la fixer d'un regard plus froid encore que la neige, qui n'en finissait pas de tomber autour et sur eux, et de pronnoncer les paroles prochaines sur un ton plutôt calme, glacial et mortel.

" Eloigne-toi de là tout de suite, ou je t'assures qu'ils verront la couleur de ton sang. "

Il ne supportait pas qu'une sangsue, de l'éspèce de ceux qui avaient mordu sa mère et révélé son immunité, ou pire, qui avaient tué son père, puisse s'approcher de cette tombe... Logique, me direz-vous.

Pour être tout à fait franche, Kana ne savait plus comment réagir. Plus du tout, même. Elle ne comprenait pas la haine qu’Ikari lui vouait, alors qu’il ne la connaissait même pas. Il s’acharnait à la malmener tandis qu’elle n’avait cherché que quelques réponses sur son obscur passé. Il ne faisait que la blesser, alors qu’elle aurait voulu un peu d’attention, juste un signe faisant d’elle autre chose qu’un simple rebu de la société. Après tout, sa faiblesse la charriait au gré des vents pour ne trouver qu’un minimum de sécurité, la trainant de situations précaires en situations catastrophique et ne trouvant refuge que dans sa grande chambre où seule la Solitude acceptait de s’en faire compagne.

Bref, si elle en avait ras-le-bol du grognon, la méchanceté n’était pas un élément fondamental de sa personnalité, loin de là. C’est pourquoi ce fut l’amertume qui teinta sa voix lorsqu’elle marmonna :

« Vous iriez jusqu’à souiller cette tombe de mon sang ? »

Jusqu’où pouvait pousser la haine sur ces terres maudites ? La sauvagerie du meurtre et du sang donnaient à la vampirette la nausée. Sa propre nature la répugnait, alors qu’elle n’était qu’à moitié Vampire. Peut être que si elle l’avait été à part entière, elle ne serait pas ainsi ? Peut être qu’elle n’aurait de cesse de s’abreuver de sang, violant le Pacte et toute morale ? Alors, elle en serait venue à s’accepter telle quelle. Mais après réflexion, elle préférait de loin ce qu’elle était aujourd’hui quitte à ce que cela la conduise tout droit à la mort. Ce n’était peut être là qu’une forme de délivrance, somme toute.

Après un bref soupir, elle se laissa tomber dans la neige. Elle allait tomber malade, encore, mais tant pis. Partir… Cette idée ne lui effleura même pas l’esprit. Ce territoire était sien, après tout. Elle n’allait pas laisser son grizzly favori lui dicter sa vie comme il l’entendait, ce serait bien trop facile, n’est ce pas ? Ce dernier devrait trouver encore et encore des excuses pour sa conscience, ou alors d’autre pour ne pas la tuer. Parce qu’il ne la tuerait pas, n’est-ce pas ?
Pour un peu, Kana en aurait haussé les épaules : elle se rendait compte que cela ne lui importait pas tant que ça. Il la tuerait après, si cela lui chantait. L’époque où elle tenait à survivre à tout prix, rampant au sol, exaltant sa faiblesse était révolue. Cette crainte demeurait immolée au fond de son cœur. En fait, elle ne craignait plus Ikari, comme elle avait pu le faire au début. Et toutes les cravates au monde n’y changeraient rien. Les épées non plus, s’entend. C’était donc déterminée et butée qu’elle contempla la double tombe, s’évertuant à ignorer le serveur. Oh, elle ne se jouait pas de lui non plus…
Elle se retint par ailleurs, pour le moment tout du moins, de s’adresser aux parents de ces derniers. Elle aurait pourtant bien des choses à leur dire. Comme par exemple, que leur fils avait quelques problèmes de jugements, parfois. Et qu’ils devraient avoir un peu honte de lui, vu ses agissements. Parce qu’une chose était certaine dans l’esprit de la petite Kana : les parents d’Ikari avaient été d’honorables humains, aux principes droits et simples. Elle ignorait d’où venaient cette conviction, mais elle n’en restait pas moins certaine.

Bref, elle resterait là.
Têtue ? Un peu. A croire que ce crétin de serveur commençait sérieusement à déteindre sur elle, quoi qu’ils ne se soient pas vus très souvent. Pas souvent, mais cela restait trop. On ne pouvait pas laisser ce crétin d’humain assoiffer de vengeance souiller cette pauvre petite Kana, Vampirette à l’innocence et à la pureté sans pareille !
Quoi ?
Uh. Bon, d’accord, elle n’en restait pas moins un vampire, quand bien même le sang humain coulait dans ses veines. Et alors ? N’y avait-il que l’espèce qui comptait ? Selon elle, non, bien entendu. Cela allait de soi. Cela pouvait poser quelques problèmes, seulement, rien d’insurmontable… Si ?

Elle frissonna, affichant une mine définitivement décidée, ses sourcils légèrement froncés et ses lèvres pincées. On aurait dit une gamine boudeuse qui faisait son caprice, ses mèches d’ébènes retombant sur son front et ses épaules secouées de grelottements. Quel effort ne devait-elle pour ne pas claquer des dents !
Mais cela ne changerait pas : il en allait de sa fierté, à présent.

Bien sûr. Il aurait été bien trop facile, bien trop conforme aux souhaits du serveur qu'elle s'en aille sans faire d'histoires. Toutefois, ce qu'elle lui répondit, faisant comme si il ne lui avait pas demandé de s'en aller, lui fit serrer les dents un peu plus fort. Bien sûr qu'il ne la tuerait pas... Pas ici, en tous cas. Il était prêt à aller très, très loin dans sa vengeance, mais la tombe de ses parents était un lieu sacré. Et c'était bien cela qui l'énervait, présentement : pour lui, la simple présence de la jeune fille, si proche, était un véritable sacrilège. Et il ne pouvait pas la punir pour ça.... Pas ici. Quoi que. Au pire, il ouvait très bien la transporter quelque part, n'importe où, pour lui faire la peau mais... Non. Pour une raison obscure, il ne le souhaitait pas. Dans sa petite caboche, c'était uniquement parce qu'il n'avait pas fini de se receuillir sur la tombe de ses parents. Mais enfin, cela n'empêcherait pas qu'il continuerait à chercher à faire partir Kana. Pas dit qu'il réussisse, quoi que... Enfin. Pour l'instant, il la fixait du même regard glacé, mortel, qu'auparavant. Et puis, aussi surprenant que cela paraisse, il rangea son épée. Il daigna même s'acroupir, pour pouvoir la regarder dans les yeux sans avoir à trop se baisser - surtout maintenant qu'elle était assise. Oh, il ne faut pas croire qu'il en était devenu vulnérable, hein. Seulement, il commençait à penser que ce n'était pas par la force qu'il obtiendrait quelque chose de Kana, tant qu'il ne se déciderait pas une bonne fois pour toutes de la tuer. Excellente idée, n'est-ce pas ? De ne pas se servir de la force, s'entend... Allons voir combien de temps il tiendrait avec cette idée. Les paris sont ouverts !

Toujours est-il que, s'il ne se servait pas de la force, ce serait d'un art beaucoup plus compliqué pour lui qu'il devrait user : la parole. Bien entendu, il savait parler de certaines choses, mais d'aller juqu'à ses sentiments, jusqu'à la convaincre de s'en aller - et il était persuadé que les deux étaient intimement liés - lui était très difficile, plus encore s'il devait éviter de proférer ne serait-ce qu'une seule menace. Très difficile, donc. Après avoir regarder un instant la tombe, il reposa ses yeux sur la jeune fille, qui semblait l'ignorer au plus haut point. Tant mieux, cela lui faciliterait la tâche, déjà suffisament pénible à son sens comme ça. Il eut un petit, impercéptible soupir - mais il était persuadé que Kana, elle, pourrait l'entendre - avant de prendre la parole, hésitant quelque peu.

" Mon père... "

Et là, c'est triste pour elle, mais elle n'en saurait pas plus. En effet, si, au ton empli de fierté qu'avait employé Ikari, elle pouvait deviner à quel point son père avait été un homme exemplaire, un père admirable, et qu'Ikari avait vraiment aimé cet homme, il était décidé à ne pas lui en dire plus. Ce qu'il avait projetté d'exprimer ? Que son père avait été tué par l'éspèce de Kana, devant ses yeux impuissants, montrant sa cicatrice, qui se voyait de toutes façons suffisament, le col de sa chemise blanche ne la dissimulant pas, en guise de preuve. Toutefois, le serveur, loin d'être stupide, venait de remarquer les tremblements de la jeune fille. Ca l'arrangeait. A vrai dire, il n'avait pas très envie de confier ce qu'il avait ressenti à la jeune fille... Il n'avait même pas envie qu'elle sache dans quelles circonstances tragiques son père était mort. Oh, lui non plus ne savait pas tout... Et s'il savait... Bref. Ce fut d'une voix de nouveau glaciale qu'il reprit, montrant ainsi qu'il était à la fois plus attentif et aussi plus intelligent que sa rudesse - oui, je corrige, sa violence - le laissait croire, ses yeux écarlates toujours fixés sur la vampirette.

" Peu importe. Tu as froid. Rentre chez toi. "

Oui, c'était un ordre. Toutefois, si elle pensait ne pas l'écouter, et plus simplement si elle décidait de ne pas le faire, il prévoyait déjà des plans de secours. Deux, avant qu'il ne se mette à s'énerver sérieusement. Et il n'avait aucunne envie d'utiliser le second et dernier... Jouer la carte des sentiments ne lui plairait mais alors, pas du tout. Une fois encore, il jugeait que Kana n'avait pas à savoir ce qu'il ressentait. Bien entendu,, il se doutait bien que ce simple argument ne l'avancerait à rien. Eventuellement à embrayer sur ce qu'il comptait dire ensuite... Comment ? Lui, froid ? Non. Il avait habtué son corps aux plus froides des températures, prenant de temps à autres des bains et des douches glaçés, ou courant quelle que soit la météo. Bien entendu, cela ne l'empêchait pas de tomber malade de temps en temps ( il était humain, quand même ! ) mais, généralement, cela n'arrivait que rarement, et après qu'il fusse en contact avec quelqu'un de malade...

» Un vampire faible: Kana Yowai